- hypocrisie
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• v. 1175; bas lat. hypocrisia, gr. hupokrisis « jeu de l'acteur, mimique », de hupokrinesthai « jouer un rôle, mimer »1 ♦ Attitude qui consiste à déguiser son véritable caractère, à manifester des opinions, des sentiments, et spécialement des vertus qu'on n'a pas. ⇒ dissimulation , duplicité, fausseté, fourberie. Il est d'une hypocrisie révoltante. Répondez sans hypocrisie. « L'hypocrisie est une nécessité des époques où il faut de la simplicité dans les apparences » (Valéry). L'hypocrisie d'un faux dévot. ⇒ bigoterie, pharisaïsme, tartuferie.2 ♦ Caractère de ce qui est hypocrite. Hypocrisie d'un argument. ⇒ jésuitisme.3 ♦ Une, des hypocrisies. Acte, manifestation hypocrite. ⇒ comédie, mensonge, simagrée, tromperie. Ne vous laissez pas prendre à ces hypocrisies. « Les hypocrisies de l'amour-propre » (Bourdaloue).⊗ CONTR. Franchise, loyauté, sincérité.Synonymes :- duplicité- fausseté- jésuitisme- papelardise (littéraire)- patelinage (littéraire)- pharisaïsme (littéraire)- tartuferie (littéraire)Contraires :- droiture- loyauté- sincéritéAction, parole destinée à tromper sur les sentiments, les intentions...Synonymes :- comédie- simagrées- singeriehypocrisien. f.d1./d Attitude qui consiste à affecter une vertu, un sentiment noble qu'on n'a pas.d2./d Caractère de ce qui est hypocrite. L'hypocrisie de Tartuffe.d3./d Acte hypocrite. J'en ai assez de vos hypocrisies.⇒HYPOCRISIE, subst. fém.A. — 1. Caractère d'une personne qui dissimule sa véritable personnalité et affecte, le plus souvent par intérêt, des opinions, des sentiments ou des qualités qu'elle ne possède pas. Synon. dissimulation, duplicité, fausseté, fourberie, patelinage (vx). Je n'accuse pas ces messieurs d'hypocrisie, je les crois sincères (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1061) :• 1. ... je déteste l'hypocrisie et la déloyauté. Or postuler le ministère comme gagne-pain et sans piété, tricher la vertu quand on monte en chaire pour la défendre, être incrédule quand on se porte gardien de la foi, donner un honteux exemple quand on fait vœu d'être en exemple, n'est-ce pas faillir à l'honneur?AMIEL, Journal, 1866, p. 434.♦ Loc. verb. l'hypocrisie de + inf. En Allemagne, nous avons l'hypocrisie de parler toujours d'idéalisme, en poursuivant toujours notre intérêt (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 719). Il n'avait jamais admis que l'on pût avoir la lâcheté et l'hypocrisie de décorer du nom de devoir social la poltronnerie d'une bourgeoisie incapable de se défendre (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 98).— En partic., vx. Affectation d'une extrême piété, fausse dévotion. Synon. bigoterie, bigotisme; cagoterie, cagotisme; papelardise (vx), pharisaïsme, tartuf(f)erie. Hypocrisie des Pharisiens, de Tartuffe. Dans une pensée d'avenir, Valérie avait ajouté l'hypocrisie religieuse à son hypocrisie sociale. Exacte aux offices le dimanche, elle eut tous les honneurs de la piété (BALZAC, Cous. Bette, 1847, p. 142). Molière est assurément partial dans Tartuffe et prend hardiment parti contre l'hypocrisie religieuse (VIGNY, Journ. poète, 1842, p. 1173).2. Caractère de ce qui manque de sincérité, de ce qui est empreint d'affectation et/ou de duplicité. Hypocrisie d'une attitude, d'une promesse; hypocrisie d'un regard, d'un sourire. Il sentait chez Leonhard l'hypocrisie de ce renoncement (ROLLAND, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 248). L'hypocrisie des compliments adroits qu'on débite lorsqu'on a un peu d'expérience (GREEN, Journal, 1945, p. 215). L'hypocrisie doucereuse de ce texte, les confusions qu'on feint d'y faire et les fausses justifications qu'on y fournit, en font peut-être le chef-d'œuvre de la casuistique vichyssoise (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 152).— En partic., péj. Caractère (d'une institution) qui reflète la mauvaise foi des personnes qui en sont à l'origine et/ou qui l'approuvent; caractère qui tend à masquer la réalité. Hypocrisie des lois. M. Mauclair écrit des pages pleines de verve sur l'hypocrisie du mariage bourgeois (THIBAUDET, Réflex. litt., 1936, p. 69).B. — P. méton., gén. au plur. Manifestation de ce caractère; acte, parole empreint(e) d'affectation et/ou de duplicité. Synon. mascarade, momerie, simagrées. Nouvelles perfidies, mensonges, hypocrisies et minauderies de Juliette (CONSTANT, Journaux, 1815, p. 452). On n'en a jamais fini avec les hypocrisies de la moralité bourgeoise (BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 150) :• 2. Antoine souriait, sans s'occuper de Jacques. — « ... Au point de vue moral... », disait-il. « Antoine parle, il n'y en a que pour lui!... » songea Jacques. Et tout à coup l'amabilité mondaine de son frère, ce « point de vue moral », surtout après les confidences licencieuses qu'Antoine venait de lui faire, l'offensèrent comme une impardonnable hypocrisie.MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p. 919.Prononc. et Orth. : [
]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1168-91 ypocrisye (CHR. DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 30). Empr. au b. lat. hypocrisis « hypocrisie », sens issu de celui de « mimique; imitation de la manière de parler et des gestes de qqn », gr.
« rôle (sur scène) »; « hypocrisie » Fréq. abs. littér. : 928. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 470, b) 1 166; XXe s. : a) 1 123, b) 1 391.
hypocrisie [ipɔkʀizi] n. f.ÉTYM. V. 1175, ypocrisie; bas lat. hypocrisia, grec hupokrisis, proprt « jeu de l'acteur », d'où « mimique », de hupokrinesthai « jouer un rôle, mimer », de hupokrinein « distinguer approximativement », de hupo (→ Hypo-), et krinein « séparer, distinguer ». → Crise, critique.❖1 Caractère et attitude d'une personne qui déguise son véritable caractère, cache ses véritables tendances et pensées, feint des opinions, des sentiments, des vertus qu'elle n'a pas. ⇒ Affectation, déloyauté, dissimulation, duplicité, fausseté, fourberie, fraude; jésuitisme, patelinage (vx); → Fier, v., cit. 4. || Le masque de l'hypocrisie (→ Arborer, cit. 8; cœur, cit. 84). || L'hypocrisie des âmes basses (cit. 38). || Inventions qui encouragent l'hypocrisie (→ Glacer, cit. 17). || Âme pure et naïve, sans aucune hypocrisie (→ Égarer, cit. 9). || Convaincre qqn d'hypocrisie. ⇒ Imposture. || Reproche (→ Autoriser, cit. 19), soupçon d'hypocrisie (→ Emporter, cit. 44). || Des employés qui font assaut d'hypocrisie. || Circonvenir qqn en usant d'hypocrisie. → Faire patte de velours. || L'hypocrisie de qqn, son hypocrisie. || Il, elle est d'une hypocrisie totale, révoltante. || Avoir l'hypocrisie de… (et inf.). — Hypocrisie de langage, de mœurs, de moralité (→ Cant, cit.). || Hypocrisie cauteleuse (cit. 3), doucereuse, sournoise. — Comportement hypocrite (d'un groupe d'humains). → ci-dessous, cit. 5, 6, 7 et 9. || L'hypocrisie d'une époque. || La férocité de l'hypocrisie bourgeoise (→ Envi, cit. 4). || L'hypocrisie puritaine de l'époque victorienne (→ Glacial, cit. 5). || Les formes de l'hypocrisie sociale (→ Fraternité, cit. 8).1 Ce n'est plus rien que fard, qu'hypocrisie,Que brigandage et rien qu'apostasie,Qu'erreur, que fraude, en ce temps obscurci (…)Ronsard, Pièces posthumes, « Caprice ».2 L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu.La Rochefoucauld, Maximes, p. 218.3 Le voile de la modestie couvre le mérite, et le masque de l'hypocrisie cache la malignité.La Bruyère, les Caractères, XII, 27.4 Fleury la reçut (la barrette) avec la même simplicité apparente qu'il avait reçu la place de premier ministre, et qu'il dirigea toutes les actions de sa vie, sans jamais laisser entrevoir sur son visage ni les sourcils de la fierté ni les grimaces de l'hypocrisie.Voltaire, le Siècle de Louis XV, III.5 Aussi (…) la femme comme il faut vit-elle entre l'hypocrisie anglaise et la gracieuse franchise du dix-huitième siècle (…)Balzac, Autre étude de femme, Pl., t. III, p. 233.6 Les mœurs sont l'hypocrisie des nations; l'hypocrisie est plus ou moins perfectionnée.Balzac, Physiologie du mariage, Pl., t. X, p. 630.7 Le manteau d'hypocrisie catholique dont ils furent forcés de recouvrir leur sensualité si naturellement païenne, servit aux fins de l'art (…)Gide, Nouveaux prétextes, p. 37.8 En Allemagne, nous avons l'hypocrisie de parler toujours d'idéalisme, en poursuivant toujours notre intérêt; et nous nous persuadons que nous sommes idéalistes, en ne pensant qu'à notre égoïsme.R. Rolland, Jean-Christophe, La foire sur la place, I, p. 719.9 L'hypocrisie est une nécessité des époques où il faut de la simplicité dans les apparences, où la complexité humaine n'est pas admise, où la jalousie du pouvoir ou bien la stupidité de l'opinion impose un modèle aux personnes. Le modèle est promptement pris pour masque.Valéry, Variété II, p. 69.♦ Spécialt. Attitude trompeuse qui consiste à affecter des sentiments religieux. || Hypocrisie du faux dévot. ⇒ Bigoterie, bigotisme, cafardise (rare), dévotion (cit. 3 et 5), papelardise, pharisaïsme, tartuferie. || Faire la distinction (cit. 1) entre l'hypocrisie et la dévotion. — L'Hypocrisie (1767), satire de Voltaire.10 (…) l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer aujourd'hui, et la profession d'hypocrite a de merveilleux avantages (…) Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure (…) mais l'hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde (…) Combien crois-tu que j'en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion et, sous cet habit respecté, ont la permission d'être les plus méchants hommes du monde ?Molière, Dom Juan, V, II.11 Quant au reste, je parle de l'hypocrisie, ne pensez pas que je la borne à cette espèce particulière qui consiste dans l'abus de la piété, et qui fait les faux dévots. Je la prends dans un sens plus étendu, et (…) peut-être malgré vous-mêmes serez-vous obligés de convenir que c'est un vice qui ne vous est que trop commun (…)Bourdaloue, Sermon 2e Avent, Sur jugement dernier, II (→ Hypocrite, cit. 3).12 L'hypocrisie des Pharisiens, qui en priant tournaient la tête pour voir si on les regardait, qui faisaient leurs aumônes avec fracas, et mettaient sur leurs habits des signes qui les faisaient reconnaître pour personnes pieuses, toutes ces simagrées de la fausse dévotion le révoltaient.Renan, Vie de Jésus, V, Œ. compl., t. IV, p. 139.2 (1775). Caractère de ce qui est hypocrite. || L'hypocrisie d'un argument, d'un procédé. ⇒ Jésuitisme. || Voilà qui est d'une hypocrisie insupportable (→ Fonction, cit. 6). || L'hypocrisie de son regard, de sa voix. — L'hypocrisie des lois, des institutions familiales, de la vie politique.13 (…) un siècle où l'hypocrisie de la décence est poussée presque aussi loin que le relâchement des mœurs.Beaumarchais, le Barbier de Séville, Lettre… sur la critique.14 (…) on lui sait gré d'avoir noté d'un trait spirituel qu'il y a des chefs-d'œuvre ennuyeux que les gens se croient obligés d'admirer de confiance : ce qu'il appelle « l'hypocrisie du goût ».Émile Henriot, les Romantiques, p. 436.3 Par métonymie. Les hypocrites. || Démasquer, combattre l'hypocrisie.4 (1669). Littér. || Une, des hypocrisies. Acte, manifestation hypocrite. ⇒ Comédie, feinte, fraude, grimace, jonglerie, mascarade, mensonge, pantalonnade, simagrée, tromperie. || Commettre une hypocrisie. || Ne vous laissez pas prendre à ces hypocrisies. || Tout cela est pure hypocrisie. || Quelle hypocrisie ! || Trêve d'hypocrisie !15 Tout son fait, croyez-moi, n'est rien qu'hypocrisie.Molière, Tartuffe, I, 1.16 (…) les déguisements et les artifices, pour ne pas dire les hypocrisies de l'amour-propre (…)Bourdaloue, Sermon 1er Avent, Sur jugement dernier, II.17 Mais si tout cela n'est qu'hypocrisie, si je dois voir en vous un serpent que j'aurai réchauffé dans mon sein, vous seriez une infâme, une horrible créature !Balzac, Pierrette, Pl., t. III, p. 730.❖CONTR. Franchise, loyauté, sincérité.
Encyclopédie Universelle. 2012.